Sunday, April 29, 2007

“LA SIGNIFICATION DU MOUVEMENT”

Aylin Kalem

Rudolf Laban, dans ce chapitre de son ouvrage La maîtrise du mouvement, insiste que le mouvement de l’artiste, (comédien, danseur, chanteur ou mime) ne doit pas être exécuté juste pour l’intérêt de le faire, mais qu’on doit avoir une sensibilité et une compréhension profonde de l’essence, de la signification et du symbole qui sont à l’origine.

Laban commence par donner un exemple tiré des tribus primitives où il s’agit de transmission d’une nouvelle en grands détails à travers les rythmes du tambour. Ce type de communication est différent de morse, car, ici il ne s’agit pas des ‘combinaisons de vibrations longues et courtes correspondant à des lettres formant des mots et des phrases’. Par contre, il se trouve un langage singulier dans le rythme qui est très loin des perceptions européennes. Il explique que la réception de ces rythmes de tambour ou de tam-tam est accompagnée par la vision des mouvements du batteur, et que ce sont ces mouvements, formant une sorte de danse, qui sont visualisés et compris.

Ceci me fait penser aux performances des nouvelles technologies où on travaille sur des interfaces constituées afin de créer une musique à travers le mouvement du corps. Robert Wechsler, le chorégraphe-danseur de Palindrome, travaille sur les émissions des signaux électriques par les contractions des muscles. Dans une pièce de danse Electrodes, des ‘sensors’ sont attachés sur la cuisse, l’estomac et le bras du danseur. Lorsque les différents groupes de muscle se contractent et se relâchent, différentes chaînes de son sont émises. De ce fait, R. Wechsler fait des recherches pour trouver un moyen de contrôler la musique à travers les mouvements du corps. Ce type de travail est ainsi créé dans le but de développer une sensibilité entre le mouvement et le son. Pour quelqu’un qui connaît les chaînes de son qui correspondent aux certains groupes de muscles, je pense qu’il serait possible de visualiser le mouvement au bout de longs essais.

Cependant, le cas des tam-tams est différent. Tout d’abord, la percussion n’est pas une interface attachée aux différentes parties du corps. Donc, il ne s’agit pas d’un contact direct avec tout le mouvement. Le son du tam-tam est émis juste à la fin du mouvement. Alors, on doit deviner le mouvement -et le pré-mouvement ? – juste par le son émis par la fin du mouvement. Donc, il s’agit d’un ensemble de codes à déchiffrer par la qualité, la mesure, la dynamique du son pour visualiser ce que le corps fait pour effectuer tels rythmes. Et en plus, il s’agit d’un message à recevoir.

Ensuite, Laban montre qu’il y a deux principales formes d’action.

1. Du centre du corps vers l’extérieur (disperser).

2. De la périphérie de la kinesphère vers le centre du corps (ramasser).

Dans l’acte de ramasser, il y a un mouvement préparatoire qui ressemble à celui que comporte l’action de disperser. Réciproquement, dans l’action de disperser, il y a un mouvement préparatoire qui ressemble à celui que comporte l’action de ramasser. Il précise qu’il est possible de ramasser avec une partie du corps et de disperser avec une autre.

Ensuite, en donnant des exemples d’Occident, des tribus primitives, des danses mauresques et des représentations gothiques, il montre qu’ils se trouvent certaines combinaisons de mouvements de rassembler ou de disperser qui correspondent aux certaines époques historiques ou aux certains endroits du monde. Il ajoute que certaines attitudes sont préférées et employées plus fréquemment que d’autres.

Il vient au sujet du style et il précise que le style se produit du résultat d’une sélection de certaines attitudes corporelles préférées, et dans la transition entre les positions. Il souligne qu’on peut parler d’un style d’une personne en observant les petits détails dans ses mouvements, mais que l’artiste ne doit pas se limiter à montrer des divers styles, mais qu’il doit représenter les variations et les déviations du mouvement. Il conclut que c’est au bout d’une étude profonde du rythme de l’effort qu’on peut arriver à comprendre les fines colorations du style.

Ensuite, il se concentre sur le ballet, et particulièrement sur les ‘arabesques’ et les ‘attitudes’ en accentuant que la signification originale de ces mouvements ne réside pas dans la pause finale mais dans les mouvements qui y conduisent. De ce fait, je pense que ‘les arabesques’ et les ‘attitudes’ peuvent être considérées comme deux styles différents puisqu’ils sont, à l’origine, des mouvements de transition. Il montre les différences entre ‘arabesque’ et ‘attitude’ :

· ‘Attitude’ : Forme flexible (ramasser).Une relation avec toutes les dimensions (haute-basse, droite-gauche, avant-arrière). Espace unique et complète. Focalisation.

· ‘Arabesque’ : Forme directe (disperser). Elle ne remplit pas l’espace, part du centre du corps dans des directions définies. Pas complète comme ‘attitude’. Elle requiert une continuation. Pénétration de l’espace.

Il fait une comparaison profonde entre le mime, la danse et l’art dramatique. Il les examine dans le contexte des actions symboliques. Il lie les actions corporelles de l’acteur-danseur au résultat d’une organisation de rythmes et de séquences qui symbolisent les idées qui l’inspirent. Il constate que c’est la combinaison inhabituelle de mouvements qui rend une œuvre d’art intéressant et que l’usage exclusif de mouvement possédant une signification déterminée ne produira jamais une œuvre d’art. Il propose que nous devions retrouver la connaissance possédée par nos lointains ancêtres en approchant de plus en plus le monde de silence. Ici, Laban réfère à l’exemple des tribus primitives où il se trouve une sensibilité aux mouvements corporels jusqu’à visualiser le mouvement correspondant aux rythmes des tam-tams, et aussi, jusqu’à percevoir le message qu’ils contiennent. Il est évident que le monde de silence peut se développer avec une compréhension profonde du mouvement.

« Le mouvement est essentiel pour l’existence. » Il donne des exemples des mouvements dans le cosmos, dans la Nature, dans l’univers des animaux, et il ajoute qu’on peut même accéder aux mouvements intérieurs de l’affectivité et de la pensée à travers les yeux de l’homme, l’expression de son visage et les gestes de ses mains.

Il situe le mime au centre puisque c’est la représentation des mouvements intérieurs par des mouvements extérieurement visibles. Tandis que la danse est accompagnée par la musique, et l’art dramatique, par le discours. A mon avis, la danse, aussi, peut être considérée comme la représentation des mouvements intérieurs par des mouvements extérieurs, sauf que le langage du corps en danse est différent du celui en mime. Mais, il appui plutôt sur la possibilité de traduire le langage de gestes en mots : Le mime utilise un langage de gestes que l’on peut traduire en mot, mais ceci n’est pas valable pour la danse. En plus, c’est même difficile de décrire une danse.

Pour conclure, il précise qu’une synthèse des observations scientifiques et artistiques du mouvement est nécessaire. La synthèse peut être réussite si l’homme de science apprend de l’artiste, la sensibilité de la signification du mouvement, et si l’artiste apprend de l’homme de science comment mettre de l’ordre dans sa perception intuitive de la connaissance du mouvement.

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